21.08.19
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Comment le groupe ERAM s’est mis à la vente de services avec Parade et E-Vone

Pour le Groupe ERAM, le digital transforme directement la gamme de produits. Dans cette interview, Anne Bluteau, Directrice Marketing des marques Parade et E-Vone, nous partage son retour d’expérience.

Comment un groupe industriel, de fabrication française, décide de prendre le tournant de l’IoT ?

Tout part de l’arrivée du nouveau dirigeant, Franck Cherel, il y a 4 ans, avec une ambition : devenir le leader mondial de la chaussure de sécurité connectée.

Vu du regard de l’industriel que nous sommes (nous fabriquons en effet, 1 000 000 paires/an dans notre usine basée à Angers), intégrer les technologies d’internet des objets (IoT) au cœur de nos produits, a tout de suite posé de vraies questions : comment, quels composants, quel soft, quel cloud, quelles datas, quels partenaires, pour quel usage….

Justement, comment faire pour répondre à toutes ces opportunités et ne pas se disperser ?

Pour définir les bonnes fonctionnalités, nous avons lancé un premier atelier de travail avec tous les métiers de l’entreprise. L’intelligence collective et la co-création permettent de gagner un temps précieux. Surtout quand 50% des équipes de la marque sont nouvellement arrivées, d’horizon aussi divers, que le luxe, l’industrie automobile, de la mode, ou encore d’acteurs référents de la distribution très acteurs sur l’innovation…

Cette pluridisciplinarité nous a permis de définir plus de 80 cas d’usage ! De ces 80 cas, nous en avons sélectionné 25, puis avons décidé d’en adresser deux : le DATI (Détection de chute), et le géofencing (sécurisation de zones dangereuses).

Comment s’est déroulé le lancement du projet ?

Notre priorité était de pouvoir présenter un premier concept au marché pour valider la pertinence et l’appétence sur nos innovations. Nous avons donc cherché un moyen simple d’intégrer une technologie dans une chaussure. Et nous avons décidé de collaborer avec une startup, qui avait développé une technologie de “DÉTECTION DE CHUTE”, qui permet d’envoyer une alerte en cas de chute ou de mouvements anormaux, à une chaîne de solidarité prédéfinie. C’est sous la marque Izome (www.izome.com) que nous déclinons nos collections de chaussures de sécurité connectées .

Cela nous a permis d’aller vite.

On vous a entendu dire que vous aviez créé plusieurs “nouveaux marchés”. Comment cela ?

Oui, j’aime présenter cela de cette façon : notre innovation n’a pas d’équivalent. Dans le monde de la sécurité, il existe bien des DATI (Dispositif d’Alerte pour le Travailleur Isolé), mais ils se connectent généralement avec un autre device. Ce qui rend les usages moins fiables, puisque le dispositif n’est pas autonome.

De plus, nous ne vendons plus une chaussure, mais un service. Puisque la technologie permet de géolocaliser en cas de problème, d’envoyer des alertes de récolter de la donnée, et tout cela, en temps réel. En cela aussi (une chaussure vendue avec abonnement), nous avons créé un nouveau marché.

Enfin, si je me positionne du point de vue de Parade, nous avons identifié un nouveau besoin. Nous nous sommes aussi demandés si d’autres populations ne pouvaient pas avoir besoin de ce service de détection de chute. Et nous avons décidé d’adresser le sénior, en créant une nouvelle marque, E-Vone (www.e-vone.com) : encore un nouveau marché pour notre chaussure connectée !

Avec les collaborateurs et les partenaires, comment se passent les premiers mois ?

En interne, nous faisons monter en compétence les équipes pour pouvoir démocratiser et faire des démonstrations. Il faut apporter la preuve de la fonctionnalité et du service. La vente ne s’arrête plus à la préconisation et l’argumentation des différents modèles de chaussure.

Nous devons aussi tout redéfinir pour ce qui est des relations avec les différentes parties prenantes : qui contractualise, qui supporte la responsabilité, qui garantit la fiabilité du service, comment se passe le SAV, quel est le rôle des distributeurs à chaque étape…

Et au niveau commercial ?

La commercialisation débutera en juin 2018, il nous reste donc 6 mois pour tout acter.

Nos business plan sont pragmatiques : nos clients BtoB seront précautionneux et attendront les premiers tests au porter de leurs équipes pour valider le déploiement. Une fois validé, cela pourra se généraliser très vite, surtout dans les grands groupes qui nous ont déjà largement sollicités pour les BetaTests effectués cet été.

De même, pour ce qui est de la cible Sénior, E-vone ne dispose pas d’un réseau de distribution évident : les chausseurs seront frileux, les plateformes de téléassistances seront vigilants et la communauté des aidants très prescripteurs mais non décideurs.

Si l’on reprend ce qui se passe sur la part du web dans les activités de retail, nous pouvons imaginer que la part de ces produits connectés génèrent 10% à 15% du CA à Moyen Terme.

On imagine que les distributeurs peuvent être déroutés par la vente d’une chaussure connectée, donc d’un service…

Ce qui est sûr, c’est que ces nouveaux produits connectés, issus de produits d’usage familiers (comme la chaussure), vont forcément changer l’approche des distributeurs disposant de réseaux de distribution physiques… Cela sera une nouvelle étape dans la distribution, avec une vente de produit… et une vente de service avec abonnement. Et il s’agira, comme nous le vivons en tant qu’industriels aujoud’hui, d’accompagner le changement des métiers des équipes de vente… Après le no-canal bien connu des retailers, voici l’avènement du no-device !

Pour terminer sur un point d’actualité, vous étiez au CES de Las Vegas récemment. Vraiment utile pour un groupe français ?

Oui, c’est certain. Ce CES 2018 nous a, d’abord, permis de renforcer notre présence en terme médiatique. On remarque aussi, et surtout, que ce type d’événement nous permet de renforcer notre visibilité auprès de prospects industriels ou distributeurs, qui portent un intérêt grandissant sur nos innovations et cette économie de l’usage.