Les GAFAM dans le viseur de l’UE ? Le 24 mars 2022, l’UE a annoncé un accord provisoire le « Digital Markets Act » ou DMA. Considéré par les un·es comme un texte fondateur d’une nouvelle ère plus respectueuse de la vie privée et des choix des utilisateur·ices. Source d’angoisse pour les autres, cet accord a déjà fait couler beaucoup d’encre. Avec son vote au Parlement le 5 juillet, ce sont des litres qui vont encore couler. Et pour cause, ce texteA, va changer beaucoup de choses. Zoom sur le texte dont tout le monde parle, mais que personne ne prend le temps de lire. Le DMA, c’est quoi ?
Le DMA ou Digital Markets Act est un accord émanant du Conseil et du Parlement européen. Il encadre la concurrence dans le milieu numérique. Son but : éviter les pratiques anticoncurrentielles (coucou le jedi bleu) et permettre aux petites entreprises de pouvoir émerger plus facilement. Ou, pour citer Thierry Breton, le commissaire européen, “faire régner l’ordre dans le Far West numérique” .
Qui est concerné ?
Sont concernées les entreprises fournissant des « services de plateforme essentiels » (réseaux sociaux, moteur de recherche, application de communication…) :
- dans au moins 3 pays européens,
- qui dépassent 7,5 milliards d’euros de CA au sein de l’UE ou plus 75 milliards d’euros de valorisation boursière durant la dernière année,et qui comptent plus de 45 millions d’utilisateur·ices Européen·nes par mois et 10 000 professionnell·es par an pendant les 3 années passées.
Sans surprise, ce sont donc les GAFAM qui sont dans le viseur de l’UE. Il faut dire que, ces derniers temps, les 27 n’ont eu de cesse d’enquêter et d’infliger amendes records sur amendes records à l’encontre de ces gatekeepers. Des enquêtes souvent longues et fastidieuses, pour peu de changements sur le long terme.
L’enjeu est donc d’en finir avec l’action a posteriori. Avec le DMA, l’UE se dote d’un arsenal réglementaire pour encadrer, a priori, les pratiques et le marché du numérique. Autrement dit, ce qui n’est plus explicitement autorisé est désormais interdit quand, hier, ce qui n’était pas explicitement interdit était autorisé. Vous nous suivez ?
Qu'est-ce que ça change ?
- Plus de choix pour les utilisateur·ices. Les fabricants de téléphones et autres devices ne pourront plus imposer d’applications dans leur système d’exploitation. Les utilisateur·ices seront donc libres de désinstaller l’ensemble des applications préexistantes et d’installer celles de leurs choix sans aucune contrainte. Concrètement : vous pourrez utiliser Alexa sur iOs et Safari sur Android par exemple. Bonus supplémentaire : les utilisateur·ices auront le libre choix du store sur lequel ils complètent leurs achats. Fini donc l’hégémonie de l’App store et de Google Play, le sideloading sera de mise, même sur Iphone ! Par ailleurs, sur des marketplaces comme celle d’Amazon, le géant ne pourra plus mettre en avant ses propres produits qu’il devra présenter de la manière que celle de ses concurrents.
- Plus de libertés pour les développeurs et les entreprises qui ne se verront plus imposer certains services pour être présent sur les magasins d’applis. (La fin des 30% de commission de l’Apple Store ?)
- Un plus grand respect de la vie privée : sans consentement explicite de la part de l’utilisateur·ice, pas de publicités ciblées (un peu comme avec l’App Tracking Transparency d’Apple). Un nouveau défi à ajouter à la liste des challenges 2022 des annonceurs, juste en dessous de la disparition des cookies.
- L’interopérabilité des services de messagerie instantanée. Un terme un peu barbare pour dire que les plus grandes plateformes de messageries (Messenger, WhatsApp…), doivent pouvoir fonctionner avec des plus petites plateformes si celles-ci en font la demande.
- Heads up : la Commission Européenne doit être informée de tout projet de fusion ou acquisition.
Quid du non-respect de la loi ?
L’UE a décidé de frapper fort pour faire peur. En cas de non-respect de ces règles, elle se donne le droit de prélever 10% du CA mondial de l’entreprise. 20 en cas de récidive. Et si vraiment, on ne comprend pas la leçon (3 violations sur 8 ans), l’UE pourra ouvrir une enquête de marché et imposer des sanctions encore plus fortes de types cessions d’activités.
Update : une nouvelle étape franchie le 5 juillet
Nous avons publié cet article le 31 mars dernier mais depuis des petites nouvelles se sont glissées dans l’actualité !
Ce mardi 5 juillet, l’accord sur la DMA a été approuvé par le Parlement européen. Cela signifie qu’il ne manque plus que l’étape, principalement symbolique, de l’aval du Conseil Européen. Celui-ci ne devrait pas tarder à se faire. À partir de ce moment-là, l’accord sera publié au Journal Officiel de l’UE pour une application, selon les procédures, 6 mois après (donc début 2023).
Un délai particulièrement court qui donne des aigreurs d’estomac aux annonceurs et aux e-commerçants. La Fevad a ainsi salué le texte tout en disant « s’inquiet[er] des délais d’application du texte très courts – sept mois pour les « très grandes plateformes » (quatre mois à compter de leur désignation par la Commission européenne) et quinze mois pour les autres intermédiaires en ligne – d’autant que l’interprétation des critères fixant le statut de très grandes plateformes (reposant sur le nombre de « bénéficiaires actifs du service ») nécessite d’être clarifiée en tenant compte des modèles économiques et des spécificités de chaque service.«
Affaire à suivre.
Si vous ne deviez retenir que ça :
- Côté pile, le DMA va permettre de redistribuer les cartes du jeu et de laisser une vraie chance à de nouveaux acteurs numériques. Par ailleurs, les entreprises gagneront en choix et en indépendance vis-à-vis des GAFAM.
- Côté face, cela va demander de longs ajustements, particulièrement pour les annonceurs qui voient leur source de données se réduire à peau de chagrin.
- Le 5 juillet, le DSA a également été voté, L’UE se dote donc d’un arsenal contre les GAFAM particulièrement fort. À voir les modes de surveillance et d’application de ces deux nouveaux textes.
Ce décriiiptage a initialement été publié dans l’édition 145 de notre newsletter Decriiipt. S’il vous a plu et que vous voulez en recevoir plus, inscrivez-vous ici.
Pour aller plus loin :
Quelques ressources en plus pour comprendre le sujet.
- DMA : le règlement sur les marchés numériques veut mettre fin à la domination des géants du Net
- Digital Services Act : la Fevad salue l’adoption du texte mais reste vigilante sur la mise en œuvre de cette réforme majeure pour l’économie numérique en Europe
- Sneak peek: how the Commission will enforce the DSA & DMA
- DSA et DMA : l’Europe a maintenant de quoi soumettre les géants du net – Numerama
- DSA et DMA : l’Europe a maintenant de quoi soumettre les géants du net
- Le Parlement européen valide les nouvelles règles pour encadrer les géants de la tech
- Le DMA et le DSA définitivement approuvés par le Parlement européen
- Digital Services Act : les 6 points qui changent