Dans le cadre de notre série sur le phénomène de dépossession, nous souhaitions vous apporter un regard design. Nous avons donc interrogé Morgan Menard, UX designer à l’agence.
En quoi les grandes plateformes (moteurs de recherche, réseaux sociaux, pure-players) influencent-elles les autres ?
Pour répondre à cette question, je suis obligé de commencer par Google. À travers la façon de concevoir l’UI de ses outils et surtout grâce à sa pénétration du marché, Google impose ses propres standards et influence le design des interfaces métiers. Il propose aujourd’hui ses propres règles de design à travers des planches UI définies, des styles guides et des librairies.
Mais Google n’est pas le seul à partager ses standards. Facebook, par exemple, propose aussi des ressources pour les designers. Et je ne parle même pas d’Amazon dont chaque évolution mineure de l’UX est forcément analysée avec beaucoup d’attention par les professionnels du design et les autres acteurs du marché.
Or, nécessairement, transformer des codes en standards entraîne une préférence d’utilisation. On en revient au 4e principe heuristique de Jakob Nielsen sur le design d’interface : celui de cohérence et de standards. Ce principe, qui est un élément fondateur de notre métier, établissait que “Les utilisateurs ne doivent pas se demander si différents mots, situations ou actions peuvent avoir la même signification”.
Pourquoi les marques doivent-elles être conscientes de cette influence ?
A mon sens, on peut accepter ou non ces influences, il n’en reste pas moins que les clients de nos clients sont ceux qui font les choix (d’achat, de demande de devis, de recherche sur un store locator…).
La force de pénétration de ces acteurs est telle que les internautes, de manière totalement naturelle, intègrent leurs codes et interfaces et s’attendent à les retrouver sur d’autres plateformes, dont les interfaces et visuels de nos clients. En B2C comme en B2B d’ailleurs. Donc en être conscient permet de mieux comprendre les orientations d’un designer et même d’anticiper assez facilement l’avenir du design d’interface.
Y aurait-il une forme de légitimité à ce que ce soient ces plateformes qui définissent l’avenir du design web ?
Je ne sais pas si on peut parler de légitimité, mais en tout cas, il y a une explication rationnelle derrière tout ça et elle est à trouver du côté de la connaissance utilisateurs. Les firmes sociales telles que Facebook ou encore Twitter ont tellement de datas sur leurs utilisateurs qu’ils peuvent analyser l’expérience utilisateur de leur réseau et modifier leurs outils.
C’est ainsi qu’on peut voir de micro-modifications dans l’app Facebook s’intégrer au fur et à mesure et qui optimisent de manière très minutieuse, mais toujours efficace, l’expérience utilisateur.
L’un des cas les plus concrets : le swipe (scroll latéral) en version mobile. Facebook a été l’un des premiers à le mettre en place. On le retrouve aujourd’hui sur une bonne partie des sites e-commerces, pour du cross-selling par exemple.
Existe-t-il des codes alternatifs ?
Bien sûr ! Qwant, par exemple, ne se distingue pas uniquement de Google par son respect de la vie privée de l’internaute, mais aussi par son design (au delà de la barre de recherche “traditionnelle”, le design se veut différent à travers la promotion des tendances, la présentation des résultats sous forme de liste…).
Le cas de Snapchat est également un cas très intéressant. Au contraire des autres réseaux sociaux qui tentent de lisser au mieux l’expérience utilisateur de leur application, Snapchat va tenter de “briser” les standards pour en créer de nouveaux (ouvrir l’appli directement sur l’appareil photo, une fonctionnalité par swipe : en haut, en bas, à gauche, à droite…). Certains prêtent donc à Snapchat le fait de briser ces codes UX pour conserver une catégorie de cible bien précise (les jeunes).
As-tu un exemple concret de site internet “en décalage” ?
Oui. Nous avons, par exemple, réalisé la refonte du site de Petit Web. Les enjeux étaient complexes puisqu’il fallait à la fois assurer une excellente visibilité en SEO, et donc respecter des codes émis par Google, et distinguer Petit Web de ses concurrents. Or, comme la plupart des concurrents suivent les codes Google, il a fallu s’en écarter. On a d’ailleurs raconté cette histoire dans un long format.
Pour aller plus loin : découvrez notre Livre Blanc “INTÉGRER LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA REFONTE DE SITE” qui traite en partie de la prise en considération de ces nouveaux enjeux UX !