21.02.22
8 MIN

Cet article est la retranscription écrite d’une capsule audio diffusée lors de la 2e édition des Audio Days. Pour en savoir plus sur cet évènement, rendez-vous sur audio-days.com. Vous pouvez également écouter la capsule à la fin de cet article.

Bonjour, je suis Pierre Harand partner chez fifty-five, cabinet de data consulting. Je suis ravi de passer avec vous quelques minutes pour parler de l’avenir du MMM. 

Qu’est-ce que le MMM ? Évidemment, il s’agit d’un acronyme pour les aficionados de TikTok et Insta. Il signifie Mixed Marvelous Minds, une communauté de personnes qui ont une approche libérée et bienveillante de la sexualité. Mais il ne s’agit pas de ce MMM dont je vais vous parler aujourd’hui, mais du marketing mix modeling qui consiste à répondre à une question vieille comme la publicité. Comment répartir mes ressources marketing de manière optimale ?

Déjà, au 19e siècle, l’entrepreneur à succès John Wanamaker disait : “Je sais que la moitié des sommes que je dépense en publicité est en pure perte. Mais je ne sais pas de quelle moitié il s’agit.” Et aujourd’hui encore, la question reste épineuse. 

Imaginez que vous êtes directeur marketing d’une grande marque. Votre mission est d’améliorer l’image et les ventes de votre entreprise. Pour cela, vous avez un budget considérable que votre directeur financier vous a confié. Quelle est donc la meilleure utilisation de ce budget ? Est-ce qu’il faut communiquer en télévision, par la presse, sur Internet ? Et encore sur Internet, ce n’est pas suffisant. Il faut arbitrer entre YouTube ou les moteurs de recherche, les réseaux sociaux. Et à mesure que YouTube développe son audience, dois-je diminuer mon budget télé pour l’allouer à ce canal ? Et à la fin, plutôt que d’investir en publicité, est-ce que je ne devrais pas financer des promotions pour attirer des nouveaux clients avec des prix plus bas ? La question est donc complexe. 

Nombreuses sont les directions marketing qui s’en remettent à leur intuition ou le statu quo. Le raisonnement consistant à se dire que si ça a marché l’année dernière, ça ira toujours si on ne change rien. Mais depuis plusieurs décennies, les annonceurs ont naturellement cherché à avoir une réponse rationnelle et même mathématique en ayant recours au fameux MMM. Il s’agit d’une modélisation, donc de trouver une formule mathématique qui simule les effets des différents paramètres sur les ventes finales. Une fois le modèle établi, on peut simuler des scénarios alternatifs jusqu’à déterminer le mix d’investissement qui maximise les ventes. Les MMM prennent aujourd’hui la forme d’études annuelles, remise sous forme de slides et qui dictent le mix optimal pour l’année à venir. 

Tout cela est très bien, mais ce n’est pas neuf et surtout, cette démarche affiche aujourd’hui des limites très claires. Par définition, les MMM sont des modèles complexes qui nécessitent l’exploitation d’énormément de sources de données différentes : des dépenses média online et offline, données de vente, données de concurrence, météo. Ils sont donc habituellement des projets très longs qui souffrent d’un manque de granularité dans leur analyse, d’une lourdeur considérable dans la mise à jour et fournissent des résultats finalement peu actionnables. 

Les axes d’amélioration sont multiples et surtout, les technologies big data actuelles permettent de faire beaucoup mieux avec une approche alternative que nous appelons “l’IMM, In-house Marketing Modeling”, c’est-à-dire une version internalisée du MMM. 

En effet, la plupart des marques sont aujourd’hui dotées de plateformes Big Data, comme Google Cloud Platform, qui démocratise l’accès à des capacités de stockage et de traitement de la donnée, encore impensable il y a quelques années. Et plutôt que de confier un extrait de ces données marketing à une agence externe qui rendra en retour ses recommandations sous forme de slides, il s’agit de développer un modèle propriétaire sur le cloud de l’annonceur. Et ça change tout d’apporter des améliorations radicales à une démarche MMM classique. 

  1. Premier bénéfice, plus de précision et de granularité. Avec cette démarche, il n’y a pas de limite technique au nombre de sources de données qui alimentent le modèle. Les canaux digitaux peuvent être décrits dans toute leur finesse.
  2. Deuxième bénéfice, le modèle peut-être mis à jour en continu. Ce qui peut-être très utile quand une pandémie vient bouleverser le marché, avec un reconfinement impromptu par exemple. 
  3. Troisième bénéfice, transparence absolue le modèle et ses résultats sont la propriété de l’annonceur. Ils peuvent être audités, opérés et modifiés par leurs propres data scientists. Ce qui constitue une garantie absolue de neutralité et de confiance dans les résultats de l’étude. 
  4. Enfin, actionnabilité. Puisqu’ils offrent aux opérationnels une aide à la décision précieuse et les données hébergées dans la plateforme peuvent être exportées vers des outils de ciblage publicitaire ou CRM pour alimenter des campagnes.

En 2021, cette démarche novatrice a été mise en œuvre par Auchan, qui a pu matérialiser la supériorité radicale de cette approche. Ainsi, en termes de granularité, le modèle permet une analyse des ventes par types de produits, ce qui est crucial pour une enseigne de grande distribution comme Auchan, qui commercialise une incroyable diversité d’articles. Pensez à tous les rayons et la variété des produits présents dans une grande surface. On ne vend pas des yaourts comme des chaussures. Or, les modèles MMM traditionnels ne prennent en compte que le total des ventes nationales. Seul l’IMM permet d’évaluer les effets de l’évolution du dispositif marketing, logiquement très différent d’un produit à l’autre. Le modèle permet également une lecture des ventes, magasin par magasin. Cela est déterminant, notamment pour lire correctement les effets de la météo sur les ventes. Le temps qu’il fait influe évidemment sur la nature des achats des Français. Pour reprendre l’exemple habituel, l’arrivée des beaux jours coïncide toujours avec les ventes des articles de barbecue, parasols, viandes à griller et boissons désaltérantes. Mais la diversité du climat dans l’Hexagone ne peut être reflétée fidèlement qu’avec une analyse géographiquement précise. 

Autre bénéfice majeur, les résultats du modèle et les analyses effectuées dans la data platform peuvent être mises à disposition des directeurs de magasin et du central au travers de tableaux de bord rafraîchis mensuellement. Ils auront ainsi accès aux investissements médias, aux niveaux de promotions, au chiffre d’affaires par magasin, aux ROI et aux résultats des différentes simulations. Il s’agit d’une démarche innovante et ambitieuse pour Auchan, dont la mise en œuvre n’est pas triviale. 

La réussite de ce projet tient à au moins trois aspects. 


Tout d’abord, une bonne gouvernance. Auchan a mis en place une équipe mixte associant fifty-five et cabinet expert de la DATA. Le projet a suivi une démarche structurée et hybride.


Deuxième facteur de succès, la qualité de la donnée, qui est aussi vitale pour un modèle que la qualité de l’air qu’on respire pour un être vivant. Un tel projet revient à une refonte complète de la mesure omnicanale pour Auchan. La première étape était donc de créer une base de données structurée, centralisée, propre, sans redondance et avec des clés de jointure entre les tables. Il a fallu pour cela traiter plus de 40 sources de données et créer le socle technique de ce MMM. 


Troisième facteur de succès, le traitement automatisé. Il s’agit d’automatiser d’abord l’ingestion de la donnée, c’est-à-dire qu’elle soit effectuée quotidiennement, sans intervention humaine, avec un système d’alerte pour réagir rapidement quand quelque chose ne fonctionne pas. Il faut également calibrer le bon niveau d’analyse du modèle. En effet, plus la granularité est fine, plus le modèle a besoin de données pour être entraîné efficacement. De plus, avec une granularité trop fine, on risque d’observer des signaux trop bruités, c’est-à-dire perturbés par des phénomènes aléatoires difficilement mesurables, comme des travaux dans un magasin, un problème dans le rayon physique. 

Aujourd’hui, Auchan s’est donc doté d’un formidable actif. Cette data platform et ses couches de modélisation lui permettent un pilotage beaucoup plus performant de son mix média. Mais il ouvre aussi de nouvelles perspectives. Au-delà de la stratégie média, l’objectif est d’utiliser cet actif pour la stratégie marketing : ouvertures de magasins, choix des produits en tête de gondole, promotions, arrivées de nouveaux concurrents, modes de distribution des tracts. 

Beaucoup de questions sont encore à traiter. Comment répartir mon budget sur un canal ? Quelle tranche horaire ? Quel nuage de mots-clés si on parle de search payant ? Quelle pression sur un utilisateur donné ? Mais pour le moment, l’ambition d’Auchan se résume en deux chiffres : 1 et 10. Ce projet IMM doit coûter moins de 1% du budget média pour aller chercher 10% d’efficacité incrémentale. 

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Cette capsule audio est également disponible sur les plateformes suivantes : Deezer – Spotify – Apple Podcast