22.02.22
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Cet article est la retranscription écrite d’une capsule audio diffusée lors de la 2e édition des Audio Days. Pour en savoir plus sur cet évènement, rendez-vous sur audio-days.com. Vous pouvez également écouter la capsule à la fin de cet article.

David Serrault, responsable du design et de l’expérience utilisateur au sein de la Direction de l’Innovation, du digital et de la data du Groupe BPCE. Le design est devenu stratégique pour les entreprises. Aujourd’hui, on a pas mal d’études qui montrent une corrélation très claire entre l’intégration du design dans l’organisation et son efficacité, sa performance. Le design dans l’absolu, ce n’est pas un nouveau métier mais pour pas mal d’entreprises, c’est une nouvelle dimension du développement des produits qu’elles doivent intégrer dans leur organisation, dans leurs process. En premier, je parlerai des niveaux de maturité du design et de comment ou pourquoi on en vient à intégrer cette discipline, ensuite, je décrirai l’organisation design idéale.

Dans toutes les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé, j’ai constaté qu’il y avait trois niveaux de maturité. Ce qui les distingue, c’est la manière dont le design est perçu et pris en charge. Au premier niveau, le design est une compétence. Alors on a bien compris que l’expérience des utilisateurs, c’est un enjeu important. C’est déjà bien, mais ce n’est encore la responsabilité de personnes en particulier. Il n’y a pas de budget dédié dans les projets. Il est pris en charge par des gens dont ce n’est pas le métier. À ce niveau, on va avoir des besoins de formation d’outils. Évidemment, la limite ici, c’est que l’on va avoir des gens qui sont peu formés et qui vont passer beaucoup de temps pour obtenir des résultats souvent moyens. Il m’est arrivé d’être sollicité par des équipes qui me demandaient d’accéder à des outils de design. Et quand je leur demande pour quelles raisons et s’ils sont accompagnés par un designer, ils me disent qu’ils n’en ont pas besoin parce qu’ils deux PO sur leurs projets et l’un d’entre eux peut très bien faire des maquettes. On m’a aussi demandé si je pouvais former en quelques heures des développeurs ou des PO au design. En général, je refuse. Le design, c’est un métier. Les gens qui travaillent dans mon équipe, ils ont trois, quatre ou cinq années d’études, ils ont plusieurs années d’expériences professionnelles. Le design, c’est aussi une culture et c’est une expérience qui se fait sur le long terme. Il y a des outils qui sont difficiles à maîtriser.

Le deuxième niveau, le design est une expertise. Alors là, on a bien compris que c’était un enjeu et qu’il fallait investir pour obtenir des résultats de qualité. Mais ce n’est pas encore une stratégie, c’est un besoin ponctuel lié à un projet. A ce niveau, l’enjeu, c’est de trouver de bonnes ressources et dans une grande organisation, on va par exemple avoir besoin de faire évoluer le référencement pour réussir à identifier des prestataires qui ont des expertises très avancées dans le domaine. C’est déjà un progrès, mais la limite de ce modèle, c’est que le suivi des projets dans la durée et la flexibilité dans les interventions vont être difficiles. Les projets complexes, tels qu’on peut les rencontrer dans une banque par exemple, nécessitent un suivi à long terme. Ce sont des projets qui durent très longtemps, alors on peut faire appel à une agence de design à un moment, mais entre la conception et la mise en production, il se passe en général beaucoup de temps et pendant ce temps, on découvre des contraintes qu’on ne connaissait pas au départ. Il y a des nouvelles exigences qui apparaissent. Bref, la vie d’un projet. Et là, il n’y a plus de suivi et il n’y a plus personne qui est garant de la qualité du design, qui va se retrouver avec de gros écarts entre la vision de départ et le produit fini.

Et enfin, le dernier niveau, le troisième niveau, le design est un métier. Et là, l’entreprise a vraiment adhéré à l’idée que l’expérience des utilisateurs, de leurs produits, était stratégique. Et pour faire un travail de qualité, il faut des professionnels, il faut qu’ils soient là tout le temps. Alors, on décide de créer une filière, on monte des équipes, on recrute des designers en interne. Le premier enjeu, c’est de faire entrer le design dans les cases ou, mieux, de créer des cases. Dans les entreprises où la séparation entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage est très marquée, le designer est un peu l’invité surprise que l’on ne sait pas où placer. En réalité, on est un peu entre les deux. Côté maîtrise d’ouvrage : on va aider à définir le besoin, on va aider les parties prenantes à converger vers une vision produit, on va pouvoir remonter très tôt des besoins et des contraintes des utilisateurs finaux. Côté maîtrise d’œuvre : on va pouvoir suivre la fabrication des produits, s’assurer de leur qualité, mettre en place des méthodes, des processus, des outils pour industrialiser la fabrication. L’idéal, c’est que le design soit une entité à part entière, transverse, de la conception jusqu’à la fabrication, afin de pouvoir travailler sur l’ensemble du cycle projet. Quand on recrute des designers, ça peut aussi commencer par un sujet RH. Par exemple, créer une fiche de poste avec une liste de compétences attendues, des niveaux d’expertise. Ça permet de définir des objectifs, de guider une progression professionnelle, une carrière. 

Concrètement, l’équipe design idéale est constituée de designers, bien sûr, mais rapidement, on va voir qu’il y a des dominantes, des spécialités. Par exemple, on va avoir le Service Designer qui intervient en amont, qui cartographie l’expérience d’un service dans le temps sur les différents canaux : il facilite la convergence, il fait de la co-construction, de la User Research, il collecte des besoins des utilisateurs, valide les choix de design avec les utilisateurs. Le Design LEED qui est responsable d’un programme, qui peut gérer d’autres designers, qui a une connaissance approfondie d’un produit, de ses enjeux techniques et de ses enjeux business aussi. L’UX Writer qui prend en charge le texte des écrans. Le designer d’interfaces ou aussi appelé UI, qui s’occupe de la qualité des visuels et qui prend en charge l’aspect émotionnel. Le Product Designer qui est un designer polyvalent et intégré à l’équipe de projet et qui suit la conception et le développement de bout en bout. Et encore, le Creative Technologist, qui est à la frontière entre le design et le développement. Il s’assure que les exigences du design sont bien traduites en code et il peut aussi faire des propositions. 

Bref, le design, ce n’est pas qu’un métier, c’est même plusieurs métiers qui collaborent, se complètent. Dans une équipe de design efficace, on trouve un équilibre entre les spécialités de chacun. Sur le long terme, c’est une organisation où chacun peut progresser et être encore meilleur dans son domaine d’expertise. Et c’est ce qui permet d’apporter un maximum de valeur à l’entreprise sur le long terme, c’est-à-dire très concrètement, réaliser de bons produits, des produits bien pensés, bien fabriqués, que les clients prennent plaisir à utiliser.

Comme ce média Decriiipt, les Audio Days sont une création originale de notre Groupe Iteractii et de Intuiti, avec le soutien de supers partenaires et sponsors. Vous souhaitez nous écrire ? Envoyez-nous un mail à l’adresse contact@groupe-iteractii.com.

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