22.02.22
10 MIN

Cet article est la retranscription écrite d’une capsule audio diffusée lors de la 2e édition des Audio Days. Pour en savoir plus sur cet évènement, rendez-vous sur audio-days.com. Vous pouvez également écouter la capsule à la fin de cet article.

On a tous et toutes déjà utilisé cette expression populaire du mouton à cinq pattes en cherchant un profil un peu particulier ou tout simplement en voyant une description de poste qui semblait un peu ahurissante. C’est arrivé d’autant plus avec l’arrivée du digital, évidemment. Et en fait, ça m’a fait réagir quand une agente de conférence m’a présenté de cette manière et m’a dit, mais toi, tu es vraiment un mouton à cinq pattes. Et je me suis demandé mais qu’est ce que ça veut dire exactement, mais surtout, qu’est ce que ça veut dire pour vous ? Et en réalité, aujourd’hui, j’ai la conviction que l’évolution du business demande réellement cette compétence pour les leaders de demain, de devenir des moutons à cinq pattes. Et qui dit mouton à cinq pattes dit forcément cinq points essentiels. 

Le premier, c’est de comprendre comment naviguer un business dans l’incertitude. En fait, pendant des années, le contexte était plutôt stable et les leaders sont devenus ce que j’appellerais des gestionnaires. En fait, ils ont une aversion au risque qui s’est créée et on a cherché un rendement paisible. Et en réalité, c’est déjà une tâche extrêmement compliquée. Mais dans un contexte d’incertitude, la manière d’envisager le business doit nécessairement évoluer. Et la réalité, c’est qu’on entre depuis 2008 dans une période d’incertitude et ça va continuer pour les décennies à venir. On entend beaucoup parler de radicalité et je crois qu’effectivement, le terme, il est assez juste dans son sens originel, c’est-à-dire de revenir à la racine, de repartir à l’essence. C’est pour ça qu’on parle beaucoup de raisons d’être des marques. Pas uniquement parce qu’il faut se plier à l’exercice, mais parce qu’évidemment, je sais que ce sujet a été extrêmement essoré, donc je n’ai pas non plus insisté des masses, mais il faut vraiment définir la raison pour laquelle votre entreprise existe. Ce n’est pas du tout un exercice de communication, c’est un exercice stratégique. Et ensuite s’inscrire dans la radicalité, ça implique nécessairement de revenir à la racine de ce que c’est que le marketing, c’est-à-dire de proposer ce que les personnes attendent de vous. Ils attendent cinq choses : se sentir aimé, appartenir, avoir ses intérêts protégés, trouver du sens et être respecté. C’est aussi simple, entre guillemets, que ça.  

Le deuxième point essentiel, c’est d’entendre l’évolution des systèmes de valeurs de la société. Vous avez dû vous en rendre compte, les entreprises ont de plus en plus de mal à recruter les bons profils. On parle désormais de valeurs invisibles, de vulnérabilité, d’empathie et en réalité, il est important, essentiel de gérer cet invisible, car c’est lui qui fait le ciment de l’entreprise. De la même manière que la diversité est cruciale et comme nous le rappelle la neuroscientifique Samah Karaki dans son ouvrage « Le travail en équipe », on est plus engagés mentalement quand on sait qu’on s’adresse à quelqu’un de différent. Cette homogénéité, elle nous plonge dans une sorte de paresse mentale qui nous conforte dans l’illusion que ceux qui nous ressemblent seront du même avis que nous. Et en fait, quand les membres du groupe remarquent qu’ils sont socialement différents les uns des autres, ils changent leurs attentes, ils anticipent les différences d’opinions et de perspectives et ils supposent qu’ils devront travailler plus dur pour parvenir à un consensus. En fait, cette diversité sociale, mais aussi potentiellement de genre, ne provoque pas seulement une disposition mentale plus engagée, mais aussi un meilleur partage des informations. Et quand nous savons que nous ne sommes pas semblables, nous sommes plus amenés à clarifier notre pensée, à poser des questions pour clarifier la pensée d’autres aussi. En fait, on doute plus, tout simplement. La diversité, elle nous protège en quelque sorte des dérives d’un faux consensus. Nous avons inévitablement une vision incomplète du monde et chaque membre d’une équipe peut apporter sa propre vision, ses informations, ses opinions, ses perspectives et du coup, une richesse au modèle mental partagé du groupe. Et ce modèle mental combiné aura une vision qui sera moins inexacte du monde. Et c’est ainsi que fonctionne la diversité en encourageant la considération d’alternatives, avant même, toutes interactions interpersonnelles. Et le coût mental associé à cette diversité semblent évidemment, comme un muscle qui grandit, c’est pénible, mais en réalité, ça vaut le coup !

Le troisième point, et vous le savez, est essentiel, c’est de prendre conscience des problématiques écologiques. Je crois que pour la majorité d’entre nous, on a conscience de l’urgence climatique et du besoin de remettre le vivant au centre. En fait, nous sommes tous interconnectés et les entreprises ont, à mon avis, et c’est le sens de mon livre « Insoutenable Paradis » un rôle majeur à jouer. Finalement, moi, je vois trois éléments qui me semblent essentiels :

  • D’abord, d’améliorer la manière dont le produit est conçu, c’est à dire, évidemment, de produire à proximité, de s’assurer de la provenance des produits, de s’assurer de la récupération, de s’assurer de l’upcycling. Ça a aussi un sens business, évidemment, d’utiliser de l’upcycling. 
  • Le deuxième point, c’est évidemment de changer le design. J’ai plein d’exemples en tête. Sans doute que celui que j’utilise le plus souvent, c’est celui de la bouilloire ou de la douche. Une douche finalement, on attend tous que l’eau soit chaude en général, mais pendant ce temps-là, on laisse couler l’eau, évidemment. Cette eau, elle va nulle part, aujourd’hui, on a quand même inventé une douche qui permet de recycler l’eau. Donc, en fait, elle tombe évidemment sur vous, elle est recyclée dans le tube, elle remonte, elle est nettoyée des germes, au cas où vous auriez des problèmes de peau. Elle est réchauffée à nouveau puis remise en service. Ça permet d’économiser 90% d’eau. Mais en réalité, on peut envisager des tonnes d’exemples de design pour réduire l’impact des consommateurs. Et je ne suis pas forcément d’accord sur l’idée qu’il faut mettre tout sur le dos des consommateurs. En réalité, dans la manière dont on définit les produits dans l’entreprise, dans le design, on a un impact majeur dans l’usage des gens, évidemment. 
  • Et puis, le troisième point, c’est de travailler les imaginaires. En réalité, quand on réfléchit à la manière dont on imagine le monde, c’est finalement très lié aux médias qu’on consomme. Alors, évidemment, il y a la musique, le cinéma, la télé, les livres, etc. Mais le média auquel on est le plus confronté, c’est finalement la publicité. Et à travers la publicité, on peut complètement modifier les imaginaires des personnes qui les consomment, c’est à dire vous et moi.
  • Le quatrième point, c’est de réussir à suivre l’évolution des technologies. Et en fait, dès qu’on parle de technologie, on va s’intéresser à ce qu’on appelle les Shiny Object, c’est-à-dire les objets qui brillent. Et on risque de se perdre, en réalité, quand on va dans les Shiny Object parce qu’on n’a pas forcément des fondamentaux solides. Et la réalité opérationnelle est qu’aujourd’hui encore en 2022, les marques ne sont pas au niveau ni en CRM, ni en social média. Et malheureusement, depuis l’arrivée d’Internet, en fait, on est dans une course folle en avant. Et si on écoute les cabinets de conseil, il faudrait pouvoir tout suivre et tout faire. Et c’est évidemment impossible aussi parce que, tout simplement, les technologies ne sont pas toutes matures au moment où on en parle et j’aurais l’occasion d’y revenir. Donc, pour moi, ce qui me semble essentiel, c’est d’abord de bien faire ce que l’on sait faire, c’est indispensable. De faire attention aussi à l’essentiel, on a tendance à vouloir tout mesurer. C’est un effet qu’a amené Internet, mais on sait aussi, au niveau individuel, que l’essentiel n’est pas mesurable. Si vous pensez à vos relations interpersonnelles, évidemment, ce qui compte, c’est le coup de fil que vous allez passer à votre ami sans qu’il y ait forcément une attente derrière. Vous allez créer du lien finalement, ça, c’est pas mesurable et c’est pour autant ce qui crée le ciment d’une relation. Et c’est évidemment la même chose pour les entreprises. Ensuite, je disais tout à l’heure comprendre quand les technologies sont matures et évidemment, ça prend du temps. L’e-commerce a pris des décennies avant que ce soit mature, mais en même temps, il ne faut pas non plus s’arc-bouter sur des positions : on ne sera jamais sur Instagram, on ne sera pas sur Tik Tok, on ne sera jamais dans les métaverses. Il faut être, essayer d’être le meilleur de la classe, finalement, sur les sujets que vous essayez de prendre au fur et à mesure. 
  • Le cinquième point, c’est évidemment lié, c’est d’être en capacité d’anticiper les tendances et de penser le futur. Pour ça, je crois qu’une des bonnes manières, c’est de demander à des auteurs de science fiction, auteurs, autrices, évidemment. C’est ce que font un nombre d’entreprises déjà, et ça me semble la bonne manière de l’envisager. Il y a évidemment beaucoup d’évolutions, des évolutions qui sont très fortes et en particulier de manière technologique avec l’arrivée du Web 3.0 et donc nécessairement de la blockchain. Quand on observe Facebook, maintenant Meta, investir 10 milliards de dollars dans les métaverses, on ne peut pas ignorer ce sujet non plus. Et encore une fois, et je me répète, mais ce sujet, ces deux sujets là, ne sont pas du tout matures aujourd’hui. C’est intéressant de regarder la manière dont le monde bouge, et ce que ça implique. Parce que, évidemment, les metaverses ça implique trois niveaux sociaux différents. D’abord, ceux qui vont avoir l’argent pour se payer les vraies expériences. Ensuite, les gens qui vont avoir l’argent pour se payer le matériel pour expérimenter le métaverse. Je vous invite à regarder Ready Player One, le film de Spielberg, si vous n’avez pas encore vu. Et puis les autres qui seront dans une réalité qui sera évidemment très différente. Alors, ces deux tendances ne sont pas évidemment opérationnelles, je viens de le dire. Et puis, évidemment, il y a l’intelligence artificielle qui s’installe de plus en plus dans notre quotidien, comme l’explique mon amie chercheuse Aurélie Jean.

Il y a énormément de tendances, beaucoup de crises qui sont en train de se mettre en place : crise sociale, crise environnementale, crise économique, crise financière, crise paradigmatique. Au final, je le disais au tout début, on navigue dans l’incertitude et je crois, pour conclure finalement qu’être un leader en entreprise, c’est vraiment être ce mouton à cinq pattes, c’est-à-dire quelqu’un qui comprend ces cinq points :              

  • Comment naviguer un business dans l’incertitude ? 
  • Entendre l’évolution du système de valeurs de la société
  • Prendre conscience des problématiques écologiques
  • Réussir à suivre l’évolution des technologies 
  • Et être en capacité d’anticiper les tendances et de penser le futur.                                                    

Et éclairer cette complexité, c’est moi ce que je m’efforce à faire à travers mon podcast VLAN depuis bientôt cinq ans et à travers une série de conférences que j’ai toujours tellement de plaisir à donner afin de partager une compréhension, mais aussi des méthodes pour y arriver. Donc, je vous souhaite de vous intéresser à ces cinq points et je vous souhaite de grandir avec une cinquième patte !

Comme ce média Decriiipt, les Audio Days sont une création originale de notre Groupe Iteractii et de Intuiti, avec le soutien de supers partenaires et sponsors. Vous souhaitez nous écrire ? Envoyez-nous un mail à l’adresse contact@groupe-iteractii.com.

Cette capsule audio est également disponible sur les plateformes suivantes : DeezerSpotifyApple Podcast