Cet article est la retranscription écrite d’une capsule audio diffusée lors de la 2e édition des Audio Days. Pour en savoir plus sur cet évènement, rendez-vous sur audio-days.com. Vous pouvez également écouter la capsule à la fin de cet article.
Je suis ravi de réaliser cette capsule parce que je suis persuadé que dans nos métiers du marketing et du digital, le partage d’expérience et le fait d’être confronté à des problématiques différentes des siennes sont des formidables accélérateurs. Je suis Jean-Jacques Toulgoat et je suis le directeur marketing de Vinci Immobilier. Avec près de 2 milliards de chiffre d’affaires réalisé par quelques 1 300 collaborateurs, Vinci Immobilier, filiale du groupe Vinci, et l’un des principaux acteurs de la promotion immobilière en France, tant en immobilier résidentiel qu’en immobilier d’entreprise. A travers ces filiales, Ovelia, Student Factory et Bikube, Vinci Immobilier exploite et gère des résidences seniors et étudiantes ainsi que des résidences en coliving. A la pointe des enjeux environnementaux, Vinci Immobilier est le premier promoteur national à s’engager à atteindre le zéro artificialisation nette, et ce, dès 2030, avec vingt ans d’avance sur les objectifs fixés par la loi climat et résilience.
Après avoir rejoint en 2008 Vinci Immobilier pour introduire le multicanal dans son modèle de distribution, j’ai créé en 2014 la direction marketing et développer les métiers du webmarketing. Comme beaucoup d’autres, le secteur de l’immobilier neuf accélère sa digitalisation. Accélération soutenue, voire décuplée, par les effets de l’environnement sanitaire. En effet, 80% de nos clients viennent du digital, et même si nous n’avons pas de problématique drive-to-store, vous imaginez bien que nos clients veulent être accompagnés par nos vendeurs en boutique pour acheter un appartement à 300 000 euros. Vous l’aurez compris, le parcours client et son accompagnement tout au long du tunnel de transformation sont pour nous stratégique. J’aimerais poser six principales caractéristiques de notre activité.
Premièrement, nous vendons le produit le plus cher d’une vie, largement devant le deuxième qui est l’automobile. Deuxièmement, nous vendons un produit virtuel qui n’existe pas. On vend sur plan, un bien à construire. Troisièmement, chaque résidence conçue, construite et livrée est un prototype non-duplicable. La relation avec nos clients est sans doute la plus longue d’entre toutes puisque après avoir mis six mois à choisir son bien neuf, notre client deviendra réellement propriétaire environ six mois après, d’un bien en état futur d’achèvement et il attendra encore 24 mois en moyenne que la construction s’achève. Vous avez bien calculé, on parle de trois ans entre je me décide, j’achète et je peux enfin jouir d’un produit qui va conditionner ni plus ni moins ma vie, mon organisation, mon bien-être et mon patrimoine. Cinquième point : la probabilité de réachat est très faible. On a moins d’enjeu de feed que certaines activités parce que les Français changent de logement en moyenne tous les dix à onze ans, en passant parfois même du statut de propriétaire à celui de locataire. Dernier point et sixième point, une fois l’appartement livré, et à notre grand désarroi, la marque disparaît, on ne mentionne pas le nom du promoteur quand on revend un bien trois ou dix ans après l’avoir acheté. Voilà qui est dit, le rapport au temps dans notre industrie est très complexe.
Alors dans notre digitalisation à marche forcée, comme vous, nous ouvrons de nombreux projets. Aussi, je me propose d’essayer de répondre à cette question en termes de gestion de projets digitaux, Comment s’en sortir entre le temps long et le temps court ? Roadmap, backlog, lotissement, migration, déploiement, l’axe temps de nos projets est un traceur fort avec son florilège de jalons. Entre temps court et temps long, il est difficile de trouver l’équilibre qui puisse satisfaire l’ensemble des acteurs. Pour nourrir mes propos, j’ai pris l’exemple d’un projet structurant déployé chez Vinci Immobilier. Vendant un produit virtuel qui n’existe pas au moment de l’engagement client, nous nous devions de permettre à nos clients qu’ils se projettent grâce à un outil de simulation 3D, un configurateur, assez inspiré d’ailleurs de l’industrie de l’automobile. L’expérience proposée est simple : passer d’un plan papier 2D à plat à une visite immersive qui permet principalement deux choses. Un, appréhender les volumes d’un appartement et donc compenser l’impossibilité d’une visite physique. Deux, choisir de façon visuelle, virtuelle, les futurs matériaux qui vont composer son logement.
Pour revenir à notre problématique temps court, temps long, je vous propose une réflexion en trois étapes. L’étape numéro 1, une solution à la cible ou une optimisation business ? Quelle priorité choisir ? Dans les phases de cadrage et dans le déploiement de la méthode agile, qui est la plus souvent employée dans ce type de projet, la notion de priorisation par catégories d’impact est essentielle. Si naturellement, on couvre les périmètres techniques et fonctionnels, il est impératif que les métiers impactés expriment également les conséquences business. La seule recherche d’une réponse optimum à la cible de l’expérience client souhaitée ne suffit pas. Si un UX optimisait un parcours au service de la performance seront générateurs de business futures, le business en phase projet doit lui aussi être préservé. Pour notre projet de configurateur, nous avions privilégié l’expérience client en livrant dans un premier temps une solution dégradée en termes fonctionnels, mais qui participe à améliorer la performance commerciale. La visite immersive se fait sur la base d’un plan d’appartement standard et non celui, exact, du client, mais en lui offrant un rendu bluffant générant de l’émotion, plus une dimension ludique sur le choix des matériaux de son logement. On a donc accepté de générer des objections du type « ce n’est pas exactement le plan de mon appartement », car l’expérience a démontré que l’outil en l’état faisait malgré tout plus passer nos clients à l’acte d’achat et qu’ils étaient favorables à notre activité commerciale. Ma conclusion : business first.
Étape numéro deux : pilote. « Allez, en attendant, on fait un pilote, ça permettra d’avancer et de valider les hypothèses, de mesurer la performance, puis, surtout, on pourra mener des actions correctives ». On a tous dit ou entendu cette phrase lors de nos projets digitaux marketing. Alors certes, on accepte de ne pas être à la cible au gré des sprints ou des low projects. Certes, on se dit tous qu’en phase d’un projet ambitieux, faire un test sur un périmètre restreint pour se rassurer ou valider des hypothèses, est à la fois prudent et riche d’enseignements. Je dis juste attention, nous vivons tous dans des écosystèmes complexes et de plus en plus ouverts, l’accumulation de pilotes peut complexifier l’analyse de nos outils ou de nos actions, car elle ne donne pas une vue 360 des zones d’adhérence entre les outils, elle ne permet pas la mise en œuvre de process de bout en bout. Or, l’efficacité recherchée, la performance, on le sait tous est question de détails, de pratiques métiers sur toute la chaîne complexe où les hommes et les femmes acteurs ont un rôle déterminant. Pour notre projet de configurateur, nous avions privilégié un déploiement en mode pilote sur un territoire et une ligne de produits. Alors que nous pensions que ces deux critères, suffisamment génériques pour être universel et duplicable sur toute notre offre, sur tous nos territoires et pour tous nos clients, on a observé des comportements si spécifiques que nous avons dû remettre en cause une partie significative du parcours et des règles de gestion interne. J’ai comme l’impression que faire un pilote est parfois un choix défensif de confort nous autorisant à avancer alors qu’on n’est finalement pas prêt à embrasser un projet ou une campagne dans sa globalité. Sous la pression des moyens, des objectifs, le temps court vient rassurer, rendre visible des choix qu’on devrait parfois différer. On se donne tous des objectifs calendaires pour déployer nos solutions client, nos applicatifs, nos campagnes, on s’adapte au marché, on s’adapte à nos concurrents, à la réglementation, aux opportunités. Je crois plus aux tests permanents, à la courbe d’apprentissage continue sur une base existante proche de la cible qu’à une succession de pilotes multithématiques qui troublent le jeu et qui, enfin, transforment une succession de temps courts en un temps plus long, finalement moins maîtrisé. Ma conclusion : privilégier une vision à la cible n’est pas forcément une perte de temps, bien au contraire.
Etape numéro trois : la mesure, c’est bien, le bon sens collectif, c’est mieux. Nos indicateurs, nos KPIs sont des éléments critiques pour mesurer, appréhender la performance de nos solutions. Le seul indicateur temps est essentiel dans nos projets, mais aussi en phase run pour donner les axes précieux d’évolution ou de correction. Monitorer, analyser la data deviennent des expertises essentielles pour mieux connaître les attentes de nos clients, leurs pratiques, leurs parcours, leurs freins et leurs irritants. On ne doit jamais oublier qu’il en est de même pour nos clients internes, les utilisateurs de nos solutions, de nos outils, nos collaborateurs. Confort d’utilisation, productivité, fiabilité des données, maîtrise des risques sont des éléments critiques qu’il faut mesurer pour fédérer, manager et répondre à une double quête devenant chaque jour plus incontournable, donner du sens à leur job et les valoriser. Partant du besoin clients qui souhaitent se rassurer et se projeter, notre outil configurateur était pour nous principalement, voire exclusivement, client centric. Et puis, on s’est aperçu post déploiement qu’il impactait d’autres filières métiers : les acteurs du programme qui conçoivent et réalisent des opérations immobilières, les vendeurs, les chargés de clientèle qui accompagnent les acquéreurs dans leur parcours résidentiel. Le bon sens aurait voulu que nous associons tous ces contributeurs, tous ces acteurs en amont, plutôt que de nourrir d’enquêtes, d’ateliers customer journey, de sessions collectives et individuelles de navigation. On investit jamais assez de temps dans les phases de cadrage et surtout, on ne les appréhende jamais suffisamment comme un temps de confrontation entre nos clients, leurs attentes et une représentation large des acteurs métiers. On cherche à développer une adhésion aux valeurs et à la vision stratégique de nos entreprises. On est tous en mission pour casser les silos. Il est donc important d’allonger le temps de la consultation pour optimiser nos projets et faire en sorte que cette chère transversalité ne soit pas qu’un vœu pieux. Ma conclusion : on ne confronte jamais assez les différents métiers aux réalités commerciales que l’on vise pour nos clients, alors que le bon sens collectif pragmatique, nous ferait gagner de la pertinence et un temps précieux.
Pour terminer, tout étant question d’équilibre, jongler entre le temps court et le temps long est un vrai défi. Le modèle économique, nous impose de plus en plus de réactivité, cette fameuse agilité et le sens de l’adaptation. Alors, en acceptant de ne pas être tout de suite à la cible d’un objectif, en évitant pour autant de démultiplier une succession de pilotes qui peuvent nous faire perdre le cap, enfin, en consultant largement un maximum de contributeurs métier et leur bon sens, on peut combiner trois piliers au service de ce précieux équilibre et continuer à prendre tellement de plaisir dans nos projets digitaux et marketing. Merci !
Comme ce média Decriiipt, les Audio Days sont une création originale de notre Groupe Iteractii et de Intuiti, avec le soutien de supers partenaires et sponsors. Vous souhaitez nous écrire ? Envoyez-nous un mail à l’adresse contact@groupe-iteractii.com.
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