27.01.21
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Bien que le recueil collectif peut donner lieu à des préjugés liés au fait que les participants peuvent s’influencer les uns les autres, je souhaite revenir sur ce qui semble évident mais qui est souvent oublié lorsque l’on critique cette méthode : nous voulons justement que les membres d’un groupe échangent ! Le partage d’expérience ne peut pas se faire dans le cadre d’entretiens individuels.

L'utilité des focus groups

Le focus group est utile lorsque vous souhaitez, par exemple :

  • Savoir quel est le positionnement perçu de votre marque et les traits d’image associés.
  • Disposer d’un benchmark des concurrents sur votre marché et comment votre marque se situe par rapport à eux
  • Connaitre la satisfaction d’un produit ou d’un service via le recueil des pratiques et de son utilisation
  • Identifier les attentes des utilisateurs sur l’usage d’un service, la consultation de contenus online, l’accès à une offre ou des produits…
  • Organiser le contenu de votre site web et s’assurer que l’arborescence correspondra aux logiques utilisateurs

Echanger entre eux plutôt qu’avec l’animateur

Dans tous ces cas, il y a un point commun : les participants vont argumenter entre eux, et pas nécessairement envers l’animateur. Ils adoptent un comportement plus naturel lorsqu’ils sont dans une posture où ils échangent entre personnes de la même situation. Ils ne s’adressent donc plus à l’animateur, le rapport interviewer/interviewé s’estompe et les échanges sont de moins en moins guidés. Les participants expliquent simplement aux autres personnes pourquoi ils ont dit, ou fait, telle ou telle chose. Ils utilisent ainsi leur vocabulaire de manière naturelle, qui vous donne accès au champ lexical de la cible visée.

C’est aussi la raison pour laquelle les personnes sont disposées en U et non en ligne les uns derrière les autres, comme dans une salle de classe. Par ailleurs, je vous conseille de préserver une petite distance physique entre l’animateur et les participants, en enlevant les chaises les plus proches de mon siège par exemple. J’ai pu observé, plusieurs fois, que ceux qui étaient le plus proche de moi avaient tendance à me « glisser » des informations discrètement et à ne pas les partager aux autres.

Pas de panne sèche

Dans le cas où une marque souhaite améliorer son produit, elle peut demander à ses utilisateurs ce qui ne va pas et leur demander de lister des axes d’optimisation. En hiérarchisant, bien sûr, entre ceux prioritaires (sans lesquels ils n’utiliseraient plus ce produit) et ceux secondaires. En entretien, il n’est pas rare que l’interviewé « sèche » à la question « qu’est-ce qu’il faudrait améliorer selon vous ? ».

En groupe cela n’arrive pas. Il y a toujours un premier participant à se lancer, quelqu’un qui a une chose à proposer, ou une chose à ajouter. Les propos d’un participant font réagir les autres, ils rebondissent et complètent ou contredisent les propos précédemment tenus. Les éléments cités par une personne peuvent alors être validés, ou pas, par le reste des participants. La dynamique de groupe permet alors de constater si une tendance se dégage. S’il n’y a pas de consensus, à chacun de développer son argumentaire auprès des autres.

Les élans collectifs spontanés

Une autre chose qu’on peut avoir uniquement en groupe : les élans collectifs spontanés lorsqu’on montre un produit, un visuel ou un concept. Ces élans collectifs ne mentent pas. Quand tout le monde, au même moment a la même réaction, cela a de la valeur. À l’animateur de remarquer celui ou elle qui n’a pas fait partie de cet élan et de comprendre pourquoi.

L'importance de la durée

Une réunion de groupe est souvent plus longue qu’un entretien individuel. Au début de ma carrière, j’animais des groupes de 3h, voire 3h30… Je me rappelle d’une étude pour Bonduelle sur les champignons où différents éléments avaient été testés : les pratiques de consommation alimentaire, le packaging, un board d’une campagne de communication, l’image perçue du produit et un test organoleptique à la fin.

Aujourd’hui, les groupes sont plus courts mais laissent encore le loisir de développer les argumentaires de chacun. Il est très intéressant de constater comment les mentalités peuvent évoluer, à quels arguments les participants sont sensibles et en fonction de quels éléments les personnes changent d’avis. Les entretiens de 2h sont rares et même dans ce cas, le participant n’aura pas eu le loisir d’être confronté à d’autres avis pour changer d’avis ou conforter le sien.

Exemples d’études récentes où un focus group a fait son effet

  • Une marque textile souhaitait identifier les leviers pour renouveler sa clientèle : un focus group a permis de mieux comprendre les éléments qui impactent négativement la perception et montrer des éléments de la nouvelle collection afin de faire réagir la cible des prospects et identifier un nouveau territoire de marque à occuper
  • Un constructeur immobilier souhaitait lancer une marque dans le secteur du logement social : comprendre le parcours d’achat des primo accédants et tester les éléments d’une nouvelle marque (logo, baseline, contenus de marketing relationnel…)
  • Un club de livres souhaitait faire évoluer son offre : comprendre les motivations derrière les attitudes vis-à-vis de l’enseigne et prétester une nouvelle gamme d’offres
  • Un acteur du secteur de la santé souhaitait connaitre l’appétence des utilisateurs français à propos d’une application de symptom checker : identifier les freins à l’usage et comprendre la place de cet outil dans le parcours de santé actuel
  • Pour une chaîne TV : évaluer la manière dont les internautes apprécient la nouvelle offre en ligne et s’ils comprennent le nouveau positionnement, identifier comment ils articulent leurs utilisations du contenu en fonction des supports de consultation utilisés
  • Pour un fabricant de produit de nettoyage de toiture et terrasses, à destination de cibles B2B : identifier les éléments qui déterminent parcours d’achat et les pratiques actuelles, comprendre la perception d’un nouveau packaging et recueillir les attentes en termes d’innovation produit
  • Pour une marque de chaussures : comprendre à quels éléments sont sensibles des clients et des prospects vis-à-vis d’un programme de fidélité, voire déterminer si ce principe a encore de la valeur

Au contraire, certains sujets ont du mal à être abordés en groupe, notamment à cause de leur appartenance à la sphère intime. Par exemple, les revenus ou la santé.

Par ailleurs, un test d’interface doit être fait de manière individuelle. Un test utilisateur reste un entretien individuel, idéalement en face à face, avec observation de la navigation ou de l’utilisation d’un produit. Le faire en groupe est risqué car il est impossible pour un seul animateur d’observer 8 à 10 personnes devant leur ordinateur. Et pour le coup, la situation est loin d’être naturelle.

Pour aller plus loin
Nos prises de recul
Focus group : quels sont les risques et comment les contrer ?

Nabil Thalmann

Nabil est directeur du UserLab Intuiti et président de Flupa UX, association des professionnels de l’UX. Découvrez sur notre site, nos accompagnements en connaissance client.