L’influence est au marketing ce que la compote est aux pommes : elle présente le même intérêt, mais sous une forme différente pour répondre aux tendances de consommation. Et, en 2023, les marques sont friandes de compotes ! On estime ainsi que, cette année, 32,5 milliards de dollars devraient être investis dans le secteur, 18% de plus qu’en 2022. Par ailleurs, 68% des directions marketing prévoient d’y allouer une part plus importante de leur budget.
Au-delà des ces chiffres 100% business qui prouvent l’intérêt toujours plus accru des marques envers l’influence, 2023 est surtout l’année de l’entrée dans l’âge de raison du secteur. Entre Magali Berdah, influenceur·ses virtuels, développement de nouvelles plateformes, réglementations Le Maire et recherche d’authenticité, où en est-on du secteur ? Explications.
Retour vers le futur : une brève histoire de l’influence
Rendons à César ce qui est à César : l’influence n’est pas née avec Nabilla ou une autre “star” de téléréalité. Elle existe depuis de très nombreuses années. Si nous nous penchons sur la définition première, l’influence est une pratique qui consiste à mettre le potentiel de recommandation et de prescription des influenceur·ses au service des marques. Rien de bien nouveau donc ! En 1940 déjà, Paul Lazarsfeld et Elihu Katz publiaient Personal Influence, ouvrage qui démontre que les consommateur·ices sont enclins à suivre les recommandations des personnes qu’ils connaissent. En 1960, Joseph Klapper publie The Effect of mass communication sur la question des relations interpersonnelles dans la formation de l’opinion. Les blogs sur minitel voient le jour en 1989, et avec eux les premiers blogueur·ses français·es émergent. Avec l’apparition de Google en 1998, des communautés se forment sur les forums et, en 2002, Skyblog démocratise les blogs : les marques commencent à nouer des partenariats tarifés avec des créateur·ices de contenu. S’en suivra l’arrivée de Facebook en 2006, YouTube en 2007 et Instagram en 2010. Les blogueur·ses deviennent alors des influenceur·ses, de véritables ambassadeur·ices de marque. En 2014, Amazon rachète la plateforme de streaming Twitch et le live se démocratise mondialement. En 2018, des influenceurs virtuels voient le jour, avec en cheffe de fil, Lil Miquela qui cumule, à elle seule, un grand nombre de collaborations. Enfin, en 2019, TikTok fait son apparition donnant naissance à de nombreux·ses influenceur·ses.
2023 : l’âge de raison de l’influence (?)
On vous l’avait déjà dit en début d’année, mais alors que le premier trimestre est dans le rétroviseur, il est de plus en plus certain que 2023 + influence = régulation.
Arnaque, crime et putaclic : un manque de confiance et de transparence.
Partenariat tarifé rime souvent avec profit. Ce qui rime parfois avec malhonnêteté. Dropshipping, photos retouchées, contrefaçons, produits jamais livrés ou vendus 100 fois (ni loi) le prix d’achat… Certains influenceur·ses plébiscitent des produits qu’eux-mêmes n’utilisent pas. En somme : des « faux lovers » en quête de followers.
Résultat : une crise de confiance. Ainsi 56% des Français·es de 18 à 30 ans, considèrent les influenceur·ses comme “des charlatans qui trompent leurs followers pour gagner de l’argent”. Une crise loin d’être sortie de nulle part : 60% des influenceur·ses observé·es depuis 2021 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne respectent pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateur·ices.
Le Duc, la papesse et Le Maire
En parallèle, depuis 2021 le rappeur Booba, aka le Duc de Boulogne, voue une guerre sans merci à ceux qu’il nomme les « influvoleurs ». Et lorsqu’il s’en prend directement à leur papesse Magali Berdah, on assiste à THE clash, en 6 actes, obligeant Magali à se demander : Should I stay or should I go?
Une guerre qui ne manque pas de susciter l’intérêt des médias. En septembre 2022, le magazine d’investigation complément d’enquête s’intéresse au business des influenceur·ses pour lever (enfin) le voile sur les dérives du secteur et tirer la sonnette d’alarme. Influvoleurs, entends-tu le glas qui retentit pour toi ?
Car les médias ne sont pas les seuls à s’emparer du sujet ! Fin 2022, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, met un grand coup de pied dans la fourmilière. D’abord en organisant des tables rondes avec des professionnel·les du secteur de l’influence. Puis en demandant aux citoyen·nes français·es ce qu’ils attendent (vraiment) des influenceur·ses.
Une consultation à laquelle quelque 18 974 personnes ont pris le temps de répondre. Sur laquelle une loi transpartisane est venue se greffer en mars.
Law & Order / Le Maire & la loi
Zoom sur la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (oui, c’est très long comme nom !). Adoptée en première lecture à l’unanimité par l’Assemblée nationale, passée sur le bureau des sénateur·ices et de retour sur celui des député·es, cette loi transpartisane vise à encadrer le secteur.
En premier lieu, elle cadre le métier d’influenceur en posant une définition précise du terme :
« Toute personne physique ou morale qui crée et diffuse, par un moyen de communication électronique, des conseils ou contenus faisant la promotion, directement ou indirectement, de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ».
- Guide de bonne conduite – Influenceurs et créateurs de contenus L’essentiel de vos droits et devoirs – mars 2023
Viennent ensuite :
- L’obligation d’afficher le caractère commercial d’un contenu. Les partenariats devront être mentionnés dans les articles, vidéos et posts des influenceur·ses.
- L’interdiction de promouvoir la chirurgie esthétique et la cryptomonnaie. Pour l’alcool, le tabac, les jeux d’argent et les actes de santé, les mentions légales devront apparaître.
- La mention des filtres utilisés ou des retouches photos et vidéos. Dans une tentative de protéger la santé mentale des plus jeunes.
- Le déploiement d’une brigade de l’influence commerciale. Une équipe en charge de surveiller les réseaux et de répondre aux signalements des consommateur·ices, pour limiter les arnaques. #Influcops
- L’obligation d’un contrat écrit entre les marques, les agences et les créateur·ices de contenu. La forme du contrat est libre en matière de rémunération et de propriété intellectuelle. Mais la loi est claire : le contrat devra être écrit et détaillé la rémunération ainsi que l’objet de la prestation. (Quant à savoir comment rédiger un bon contrat, on vous donne RDV ici).
En cas de non-respect de l’un de ces points, les influenceur·ses, risqueront une peine de prison et de fortes amendes (jusqu’à 300 000 euros dans certains cas) ainsi qu’une interdiction d’exercer.
Pssst : pour suivre le développement de la loi, c’est par ici.
Influence virtuelle, notoriété réelle
J’ai des millions d’abonné·es, je collabore avec les marques pour promouvoir leurs produits et je ne suis pas réel·le, je suis… je suis ? Un·e influenceur·se virtuel·le !
Créés grâce à l’intelligence artificielle et des logiciels d’imagerie 3D, multipliés avec la course au métavers, les influenceur·ses virtuel·les sont des avatars numériques. Avec eux, pas de bad buzz, leur discours est entièrement maîtrisé, et l’e-reputation des marques parfaitement contrôlée. Selon une étude d’HypeAuditor, ces influenceur·ses d’un genre nouveau présentent des taux d’engagement presque 3 fois plus élevés que ceux de leurs collègues humains : une véritable aubaine pour les marques ! Avec près de 3 millions de followers sur Instagram, Lil Miquela, qui collabore avec des marques comme Calvin Klein ou Alexander McQueen, est l’une des influenceuses virtuelles les plus puissantes au monde (c’est le Time qui le dit). Toutefois, certaines marques ont préféré créer leur propre avatar. Parfois sur la base de leur mascotte historique. C’est notamment le cas de Kellogg’s avec Tony le tigre, devenu l’animateur d’une chaîne Twitch le temps d’une journée en 2022 après avoir été, deux ans auparavant, l’invité du Late Show de Stephen Colbert.
De son côté, pour la promotion de son parfum Candy, la marque Prada a créé son propre avatar, sorte de muse virtuelle.
Toutefois, si l’avènement de ces influenceur·ses virtuel·les présente un certain nombre d’avantages pour les marques, une question demeure : comment susciter l’émotion et rester crédible auprès des consommateur·ices lorsqu’on n’existe pas vraiment et qu’on ne consomme aucun des produits dont on fait la promo ? Vous avez 4 heures.
Jeune marque recherche influenceur·se éthique mortel·le
La génération Z, tout comme celle des millenials, sont des générations ultra engagées et elles le revendiquent haut et fort. Un engagement qui touche, logiquement, au secteur de l’influence et du social media de manière plus large. Ainsi, selon une étude reech 2023, deux tiers des audiences social media souhaitent une influence plus responsable et plus éthique. À ce titre, de plus en plus de créateur·ices de contenus et/ou d’agences tentent, tant bien que mal, de prôner une vision plus respectueuse du secteur, notamment via des chartes et autres certifications plus ou moins complètes. Une tendance de fond qui atteint son paroxysme avec le mouvement désinfluence, appelant à ne plus acheter certains produits ou services spécifiques et qui comptabilise pas moins de 220 millions de vues et 8 millions de likes ”juste” sur TikTok.
Et sinon, c’est une bonne situation ça, influenceur·se ?
Si nous avons beaucoup parlé, à raison, des attentes des marques et des consommateur·ices quant à cette nouvelle ère de l’influence, impossible de parler de ce nouveau monde sans parler de celleux qui en sont au centre : les influenceur·ses, qui, comme nous, attendent beaucoup du renouveau du secteur. Pour cause : ils sont 41% à estimer ne pas être rémunérés à leur juste valeur (surtout si on les rémunère en visibilité…), et 86% déclarent gagner moins de 5 000€/an, loin de pouvoir se payer un appartement à Dubaï ou une villa aux Seychelles donc.
L’enjeu de transformer nos manières de penser et, surtout, de faire de l’influence est donc au centre des préoccupations de toutes les parties prenantes. Il ne reste plus qu’à… Et pour cela, nous vous avons préparé une petite liste de l’influence dans le monde d’après. C’est à lire ici.
Cet article est issu de notre visio “1h pour rendre votre projet d’influence béton”. Pour le revoir ou accéder aux slides, c’est par ici.”